Les dents de la mer

Publié le par Sophie

 

En général quand on est plongeur, il est assez facile d’épater la galerie en clamant que l’on a nagé tout près de requins. A Tubbataha reef, aux Philippines, il est assez difficile de remonter à la surface sans en avoir croisé un ou deux. Les plus fréquents sont les requins « white tip » dits à pointe blanche, assez petits généralement, plus curieux qu’agressifs et faciles à observer car ils peuvent venir paresser sur les fonds sableux près de la surface. D’autres requins sont visibles, mais sont plus rares et il faut en général plonger assez profond pour les observer.

 

Le bateau de plongée sur lequel je me trouvais accueillait à de nombreux plongeurs, certains expérimentés, d’autres pas du tout. Je me situais entre les deux : pas débutante, mais pas avec autant de plongées que les autres.

 

Un soir, l’équipe des « dive masters » (instructeurs) nous informe que nous avons la possibilité de nous joindre à une plongée de nuit. Le « nous » étant ma pomme et un ami que je nommerai L. Il se reconnaîtra bien vite…

 

Je souhaite préciser qu’une plongée de jour à Tubbataha ressemble à un tour en aquarium géant avec une visibilité de 40 mètres (oui, les eaux de Tubbataha sont limpides quand les courants sont au repos). Lors d’une plongée de nuit, la visibilité est réduite au simple faisceau lumineux de la lampe. Conséquence directe : tout ce qui n’est pas dans le faisceau lumineux n’est pas visible. On peut se faire de sacrées frayeurs, croyez-moi.

 

Nous voilà donc équipés, prêts à plonger. Le groupe est d’une douzaine de personnes, avec en grande majorité, des débutants qui n’avaient jamais plongé de nuit. La plongée se passe très bien, les poissons endormis ont des couleurs sublimées par nos lampes et la mer est d’une tranquillité envoûtante. Plonger dans ces conditions est un vrai bonheur.

 

Arrivés bientôt à la fin du temps prévu pour la plongée, nous remontons doucement vers la surface et nous arrêtons 5 minutes pour le « safety stop » à quelques mètres de la surface. La banca nous attendait déjà pour retourner sur le bateau. Sous nos pieds, des rochers, des coraux et du sable.

 

C’est à ce moment-là qu’un requin du soi-disant clan des gentils « white tips » s’approche de nous. Le réflexe des plongeurs du groupe est de le suivre de leurs lampes. Mais là, problème : les requins n’aiment pas du tout avoir la lumière directement dans les yeux. Moi non plus d’ailleurs, ni quiconque j’imagine. L. et moi l’avions compris,  mais visiblement pas les autres plongeurs. A part cette histoire de lampe dans les yeux, ce requin ne semblait pas de bonne humeur. Il était assez gros par rapport aux autres de son espèce, et peut-être était-ce un requin femelle qui voulait protéger son territoire ou sa progéniture... ? Quelle que soit la raison de son agitation, ce requin qui s’est retrouvé encerclé et illuminé par les plongeurs, s’est mis à changer de direction assez vite (en général ce n’est pas bon signe) et sans crier gare, a foncé droit sur L. et moi.

 

Et là, tout se passe très vite. Trop vite pour avoir le temps de réaliser ce qu’il faut faire. J’ai agrippé le gilet de L. et me suis cachée derrière lui. Encore aujourd’hui je suis extrêmement fière de ce geste… C’est vrai quoi, les vrais amis ne sont là que pour se faire dévorer à notre place non ?

L. a eu le réflexe de produire des bulles avec son détendeur. Il paraît que cela fait fuir les requins, mais avec du recul, ce geste nous semblait complètement ridicule par rapport au gros requin qui nous fonçait dessus ! Quant à viser son museau pour taper dessus au moment de l’attaque, je tiens à dire au petit malin qui a inventé cette baliverne que c’est rigoureusement impossible à faire vu la rapidité de la bête…

 

Toujours est-il que le requin a bien foncé sur nous, mais il a brusquement viré de côté quand sa gueule est arrivée juste devant les palmes de L. derrière qui je me trouvais encore…

 

Une fois sorti du cercle de lumière formé par les lampes du groupe, nous ne pouvions plus voir où était le requin, mais on sentait bien qu’il n’était pas très loin. Le temps du « safety stop » écoulé, nous pouvions enfin remonter sur le bateau. Jamais je ne suis remontée aussi vite. D’habitude, je suis la dernière à me prélasser dans l’eau, attendant la dernière seconde pour remonter. Mais là, non. J’imaginais le requin furieux sous nous, et je ne voulais pas que mes jambes lui servent d’apéritif.

 

Quelques temps plus tard, nous avons trouvé dans un document sur les requins « white tips » qu’ils sont généralement paisibles, mais qu’il est possible qu’ils deviennent agressifs… Au moins, maintenant, on le sait.

 

Je tiens à dédier cet article à L. qui aujourd’hui encore, compte parmi mes plus chers amis.


 


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M
j'aime beaucoup l'humour avec lequel tu racontes cette aventure....Je crois que j'aurais simplement perdu connaissance...lolBizzz
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T
lolMerci Miriel, suis heureuse que mon humour te "parle"!Bisous
M
Le film Les dents de la mer en vrai. Quelle aventure !  <br /> "C’est vrai quoi, les vrais amis ne sont là que pour se faire dévorer à notre place non ?" => ouais, c'est clair. Quand il y a des loups, des ours, des termites geantes, des criquets: on fait appel a eux !
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S
Tiens, sur les termites aussi j'ai une histoire... Merci de m'y faire penser!Bisous et bonne soirée Marc
F
La tranquillité envoutante de la mer est bien déroutante et dangereuse.
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S
Il suffit de faire attention;-)Gros bisous!
J
Je serais tentée de reprendre à mon compte le commentaire de Marc plus haut. Bisous
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S
;-)Bonne journée Josée! Bisous
A
... et c'est encore plus inoubliable quand c'est toi qui raconte cette histoire affalée sur ton canapé!! Bisous et à un de ces jours!!
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S
Oui miss, à très bientôt, c'est clair! Gros bisous